Parmi les découvertes musicales de cette année, l'une des plus belles fut très certainement celle de Maxine Funke, une découverte hélas tardive puisque cette chanteuse folk néo-zélandaise est déjà autrice d'une poignée d'albums précieux depuis 2008. Ses œuvres intimistes mettent en relief la grâce discrète de ses compositions dans ses moindres vibrations et pourraient ainsi se situer quelque part entre le dépouillement naturaliste de Sibylle Baier et le minimalisme évanescent de Liz Harris (Grouper), c'est-à-dire entre l'intemporel d'antan et l'intemporel de maintenant.
Ces deux voies sont d'ailleurs très distinctement développées sur ce nouvel album qui, à l'instar du magnifique double album Songs & Instrumentals d'Adrianne Lenker sorti il y a trois ans, est littéralement divisé en deux parties, chacune s'installant sur une face de vinyle. La première partie de River Said délivre une collection de chansons à fleur de peau comme autant de petits refuges à l'abri des frasques du monde tandis que la seconde offre une errance ésotérique dont le mysticisme confine au sublime. Oblivion est sans doute l'une des plus belles chansons de cette année, celle-ci démarre sur une longue introduction remplie de crissements de violoncelles pour le moins déstabilisants et évolue – "s'oublie" – ensuite vers une forme de dream pop doucement mélancolique. Ce basculement dans Oblivion d'une nature sèche en herbes folles à une nature plus enveloppante est également celui de ce très bel album, produisant in fine un petit vertige et un léger bouleversement.
Si la musique de Maxine Funke devait trouver son équivalent cinématographique, on citerait volontiers le cinéma de Kelly Reichardt, bien sûr pour son aspect contemplatif et son économie de moyen mais aussi pour son attention bienveillante à la nature des petites choses et pour son (ré)enchantement du monde. River Said est ainsi un album merveilleux, au sens propre comme au sens figuré.
Chroniqué par
Romain
le 25/08/2023