Six ans. L'attente aura été longue, pour tous ceux qui s'intéressent de près au travail de
Jega. En 2003,
Variance, troisième opus de Dylan Nathan sur
Planet µ, se prenait dans les fils de la Toile. Problème : il ne s'agissait que de l'ébauche de l'album à venir. Dispersée, au grand dam de son géniteur, aux quatre coins du peer-to-peer. La sortie est reportée à une date ultérieure. Date à laquelle, il faut bien avouer, on avait fini par ne plus croire.
Et il aura finalement fallu six ans à
Jega pour fignoler
Variance. Ce n'est même plus de fignolage dont il faut parler, mais plutôt de refonte complète. Il y a bien quelques idées qui ont survécues.
Aerodynamic, par exemple, qui a gardé le même nom.
Bicubi, qui devient
Aqueminae. Ou encore
Hydrodynamic, dans lequel on hésite à reconnaître les anciens
Haze ou
Hydro. Pour le reste, c'est face à un travail scintillant neuf que l'on se retrouve. La qualité de production est sans commune mesure avec l'ancienne version. Mais la pâte
Jega demeure intacte.
L'album est divisé en deux parties. La première est faite de morceaux légers, de claviers vintage, et d'effluves indiennes à la
Talvin Singh. Les morceaux sont secoués d'effets grossiers comme on aimait bien en faire dans l'IDM pré-2000, première moitié de la décennie. En fait, je ne serais pas trop étonné d'entendre
Jega avouer user et abuser des tapestop, retrigger, reverser, et stretcher du fameux dblue Glitch. Autant être honnête ; cette première partie ne présente pas grand intérêt. À part, peut-être, de redécouvrir dix ans plus tard les débuts d'
µ-ziq.
La deuxième moitié sonne plus synthétique, plus "Reaktor" pour les pratiquants qui devineront tout de suite de quoi je parle. Si les ingrédients gagnent en maturité, ils semblent malheureusement devenir nettement moins personnels. Comme dessert,
Jega nous a concocté, après
Aerodynamic, une glace deux boules. Parfum
Richard Devine,
Venetian Snares. Je m'en délecte toujours autant, il est vrai, mais de la part de
Jega, je m'attendais juste à quelque chose de plus... exceptionnel ?
Variance est un album que j'ai beaucoup apprécié en 2003. Pour la sortie officielle, il y a du "mieux", indéniablement, mais aussi comme les relents d'une bouteille qu'on aurait ouverte trop tard. Car, depuis, nombreux ont été ceux qui se sont échinés à reproduire la même formule. En se téléportant du passé pour atterrir en 2009,
Variance a perdu ce qui pouvait faire son originalité à l'époque. Comme quoi, la musique évolue parfois de façon beaucoup plus spectaculaire qu'elle ne nous en donne l'impression. On n'en voudra pas à
Jega, qui, après tout, a mené à bien sa tâche. Mais si cette sortie doit annoncer son grand retour sur la scène, je ne peux que lui souhaiter de parvenir à se réinventer, sans quoi il finira tôt ou tard par gagner cette étiquette peu enviable des artistes qui ont mal vieilli.
Chroniqué par
Tehanor
le 18/08/2009