La sortie de
Multiply, son précédent album, en 2005, avait laissé certains connaisseurs plein de doutes.
Jamie Lidell, l'émule de
Super Collider (son duo avec
Christian Vogel) et du premier opus
Muddlin Gear, s'était transformé le temps d'un album en soul brotha à la voix puissante et soyeuse. Pire, groovant sur des instrus électro-funk à milles lieux des déstructurations aggressives auxquelles il nous avait habitués. Bien sûr, on savait qu'il chantait, mais hormis sa collaboration avec le
Matthew Herbert Big Band (et encore), sa voix était toujours noyée sous les effets ou découpée au scalpel, ce qui ne permettait pas d'en apprécier la qualité.
Quoi qu'il en soit, ça a valu à certains de le bouder, prétextant au caprice revival d'un artiste qui se cherche. Un espèce de Mr Hyde décomplexé prêt à mettre les foules en transe, un peu comme le personnage "d'Entertainist" de son ami et proche collaborateur
Gonzales.
Et bien
Jim vient confirmer que ce n'était pas une erreur de parcours mais bien une vocation tardive. Mieux, il enfonce le clou, mettant en scène cet alter-ego funky (Jim, donc) et abandonnant carrément les bidouillages électroniques pour plonger encore plus près de l'authenticité soul.
Mais devant tant de talent, d'énergie et de chaleur communicative, ses détracteurs vont bien devoir se rendre à l'évidence :
Jamie Lidell a une voix superbe et totalement adaptée au registre rythm'n'blues, et par dessus le marché a un don précieux pour composer des chansons au groove contagieux et aux refrains entêtants. Évidente en apparence, sa musique est pourtant riche de nombreux détails, même si cet album présente un dépouillement nouveau. Il est d'abord et surtout produit de main de maître.
Il faut dire qu'on retrouve aux manettes des habitués de la maison. Déjà présents sur
Multiply, les inénarrables
Mocky et
Gonzales (qu'on retrouve entre autres dans
Puppetmastaz) ont apporté leurs services de musiciens et produit l'album, avec un son très chaud et organique, s'autorisant juste quelques petits traitements électroniques (échos et triggers légers, un bon vieux flanger sur la batterie, 1969 style !). Ajouter à cela les participations de
Feist et
Peaches, pour donner un contrepoint féminin au chant de Jamie. Et au mixage, l'omniprésent
Renaud Letang, l'homme qui a produit quantité de variétoche française, mais aussi quelques perles comme
Susheela Raman,
Rocé,
Abd Al Malik et bien sûr Gonzo, avec qui il fait équipe depuis 2002 pour le meilleur et le pire (qui a dit
Jane Birkin ?).
Mais ne nous écartons pas trop du sujet et fermons là le robinet du name-dropping. Le sujet, c'est que
Jim (si l'on omet les morceaux plus lents, moins convaincants) est une collection de pépites funk-soul débordantes d'enthousiasme et de musicalité. Une musicalité accessible, populaire, loin de ses expérimentations de jeune laborantin. Ce qui lui a valu d'intéresser le grand public et la presse généraliste, certains n'hésitant pas à le qualifier d'
Amy Winehouse au masculin. Nan mais qu'est ce qui faut pas entendre, j'vous jure ! A croire que la culture musicale se résume aux vedettes des tabloïds people !
Mais que cet intérêt subit pour
Jamie Lidell, en pleine grand-messe médiatique rétro-nostalgique, ne vous dissuade pas d'aller découvrir ce disque complètement jubilatoire ! Car je vois d'ici les sceptiques, ceux qui font les sourds au bouche-à-oreille, ceux qui ne sont pas allé voir
Amélie Poulain car tout le monde l'avait aimé. Et même si vous apprenez qu'il va faire les premières parties d'
Elton John sur sa prochaine tournée, je vous en conjure : psycho-rigides, imbéciles heureux, catégories intermédiaires… Qui que vous soyez, ne vous privez pas de ce bain de vibrations solaires !
Soul Vibes, Brothers and Sisters !
NB : A écouter également les excellents remix de
Little Bit of Feel Good par
Mr Oizo et
Señor Coconut !
Chroniqué par
Rafiralfiro
le 12/11/2008