Coh est Ivan Pavlov. Russe installé en Suède, il délivre depuis bientôt une dizaine d’années une œuvre structurellement éparse jusqu’à l’imprévisible, signe d’un artiste « électronique » sans cesse en recherche sur lui-même. Œuvre éparse mais exempte de médiocrité, souvent visionnaire, dont
Above Air, dernier opus en date sorti voici un trimestre chez Eskaton, se révèle un des sommets.
Above Air se présente sous la forme d’un recueil de neuf pièces - certaines accouplées - paraissant s’auto-générer. La musique est composée de tout le bric-à-brac électronique nécessaire à leur agencement méticuleux, une musique sans m’as-tu-vu, d’une grande force émotionnelle et évocatrice, par laquelle
Coh nous plonge dans un univers ambivalent : onirique et matériel, nostalgique et futuriste, tout en trompeuse austérité. Les titres parlent d’aller plus vite que le son, de danser en silence, des Cieux et de la Terre, d’élévation, de sourire, de vérité qui ne dort jamais.
Le propos en est simple : bouleversé par le décès inattendu de son proche ami Johnn Balance, leader de Coil,
Coh projette d’embarquer celui-ci dans un vaisseau spatial, et de lui faire accomplir la longue route qui le sépare de la voûte céleste, afin qu’il y brille à jamais parmi le scintillement des étoiles. Nous voilà donc priés de prendre place à côté d’un mort.
Nous sommes alors projetés dans l’espace intersidéral, et avançons sous la poussée d’une hélice fatiguée mais rassurante, tandis que le vaisseau, couinant de toutes parts et de toutes manières, ausculté par de curieuses créatures de l’espace accrochées à sa coque, s’enfonce du bleu azur au noir de l’infini. Car loin des clichés tape-à-l’œil de l’anticipation hollywoodienne,
Coh, jouant sincérité et dépouillement, nous fait voyager dans un astronef issu tout droit de la glorieuse aventure spatiale de son pays natal, de ceux qu’on répare avec deux bouts de ficelle et un couteau suisse, juste bons pour un aller sans retour. Chemin faisant, le héros du peuple s’élèvera même, en apesanteur, au son blafard d’une balalaïka digitalisée, qu’on perçoit égrener un vieil air du folklore russe. Science-fiction du quotidien, eau et gaz à tous les étages de la fusée, émerveillement permanent. Lorsque le carillon final marquera la fin du périple, abandonnant notre silencieux compagnon, il sera temps de penser à redescendre sur Terre par ses propres moyens. Ce qui ne sera pas chose aisée. Vu l’altitude où
Coh nous a élevés.
Chroniqué par
Ubiqq
le 09/08/2006