Tout cela aurait pu être du blues. On l’entend encore sur
Sciez vos bras. On entend l’harmonica et la slide guitar dialoguer. On entend encore le blues des origines du rock, comme au loin, au milieu des trois titres qui composent le premier EP de
Stéréogrammes.
On pourrait croire qu’il s’agit d’un détail. Pourtant, c’est bien là que se joue la continuité de la musique rock depuis cinquante ans : dans ce rapport constamment renouvelé avec son origine. En faisant entendre ces notes de blues,
Stéréogrammes dit quelque chose de sa musique parce qu’il l’inscrit d’une certaine manière dans cette histoire.
La longue chevauchée d’
Higuma vers le « climax » (apogée et orgasme) est une métaphore de cette histoire qui ne cesse de se raconter sur des accords qui se comptent sur les doigts d’une main. On s’interrompt ; l’espace sonore se dilate, les guitares murmurent et ronronnent. L’auditeur sait que, sans doute, il divaguait. Mais, la chevauchée reprend encore plus loin — encore plus fort. Toujours ces quelques accords que l’on déploie, maltraite, ces quelques accords desquels émergent des phrasés qui se répètent en boucle avant de s’arrêter net.
L’auditeur qui divague peut alors reprendre du début.
4 semaines et ses passages quasi psychédéliques, des pauses entre de multiples explosions sonores que les contretemps de la batterie font valser. Des phases qui alternent demandant toujours plus à l’autre, exigeant qu’à chaque alternance, il ne s’agisse pas d’une simple reprise, mais d’un dépassement de ce que l’on a d’abord fait entendre. Voilà, si l’on peut dire, le modèle à partir duquel
Stéréogrammes construit ses morceaux.
Mais, demandera-t-on, qu’y a-t-il de spécifique avec ce temps de blues sur
Sciez vos bras ? Qu’est-ce qu’a fait
Stéréogrammes en installant son moment de blues sur une rythmique syncopée basse/batterie, ce moment imprévisible dans un morceau qui s’offre d’abord comme une pièce mélodique ?
La réponse, peut-être :
Stéréogrammes a ainsi fait vaciller nos certitudes sur ce « post » dont on affuble le rock. Car, il y a deux images du rock : une image proche et une image lointaine. Toutes deux se rejoignent à l’écoute de
Stéréogrammes.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 04/01/2005